La chanson e la Boule de Fort version 1908
d'après Anatole-Joseph Verrier et René Onillon, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou, Germain et G. Grassin (Angers), 1908 (Consulter sur Gallica)
A mes copains du Cercle de la Paix (Ponts-de-Cé).
La Chanson du Jeu de boules de fort sur l'air : Il était un roi d'Yvetot
Refrain
I
Muse, aujourd'hui fais un effort,
Il faut chanter la Boule,
La Seule la Boule de fort
Qui, sinueuse, roule;
Soutiens mon souffle un peu trop court
Et du Parnasse à mon secours
Accours.
Refrain
On ! oh ! oh ! oh ! Ah ! ah ! ah ! ah !
Le roi des jeux c'est celui-là :
Voilà !
II
La terre roule tout de go,
Phryné roule carosse,
Le rasta roule le gogo
Et le bossu sa bosse,
Le tambour roule, belliqueux,
L'orage roule, furieux,
Aux cieux.
III
Boston, poker; bridge et piquet
Et manille à l'enchère,
Whist, polo, tennis et croquet,
A peine on vous tolère,
Et pour nous, vrais amis de l'art,
Tu nous parais un corbillard,
Billard.
IV
Le sable, fin comme un velours
S'unit sous le «rouable»,
Etendant sur tout le parcours
Un tapis admirable.
Les deux côtés se recourbant
Vont en deux pentes doucement
Montant.
V
En bois dur, cormier, frêne ou buis
Notre boule est ouvrée ;
L'un' de ses faces s'aplatit,
L'autre reste cintrée.
Le cercle d'acier qui reluit.
Est chaque jour au tripoli
Poli.
VI
Lançons, pour nous servir de but,
Le Petit, ou le Maître.
Trop loin, sans doute est un abus,
Trop près est pis peut-être.
« Poussez-le trois mètres de plus,
« On pourrait pisser rasibus
« Dessus ! »
VII
C'est là qu'on connaît le malin !
Faisant sa double charge,
Montant, descendant son chemin,
Par le long, par le large,
Sans heurti là Boule, et Sans cahot,
Du Maître approche son pivot :
Bravo !
VIII
De toutes les combinaisons
Qui vous dirait la liste?
Pour « charger » on a ses raisons,
Ça dépend de l'artiste.
Se « camper » à bien ses appas ;
Campez-vous, ou n'vous campez pas,
D'un pas.
IX
Celui qui monte descendra,
C'est affair' de jugeote ;
N' jouez pas trop fort, on vous criera
« A .Gouis ! à r'voir-, bigote ! »
Mais en chemin si vous crevez,
De blagues vous s'rez abreuvés,
Gavés.
X
Tirez en for-haut, en fort-bas
Sans que' votre main tremble ;
Et surtout ne mollissez pas,
Les deux pieds joints ensemble;
Tirez surtout bien proprement.
L'Maître ou la boul' qui, l'étouffant,
Défend.
XI
Pour éviter un' boule aussi
Jouez la « charge morte » ;
Quand le coup est bien réussi,
Sur le Maître il vous porte.
Croyez votre oncle, chers neveux
Prenez d'abord par le milieu
Du jeu.
XII
Surtout gardez-vous des erreurs,
Ou bien on vous en... goule ;
Soit approcheurs ou bien tireurs
Regardez votre boule.
Car mettre son « fort à l'envers »,
Le plus souvent est un travers
Pervers.
XIII
— Qui donc a fait ce coup fameux !
Voilà qu'égaux nous sommes !
— C'est moi, que j' dis, d'orgueil fumeux
En latin ! Ego eum (me).
Leprince, à joc sur ses ergots;
Dit : J'ai compris, je somm' égaux,
Nigaud !
XIV
Mais ce cri : Douze ! a retenti
La partie est gagnée.
Le vaincu se voit aplati
D'une blague soignée;
Sans doute avant la fin du jour;
Il aura d'un juste retour.
Son tour.
XV
Toujours la bonne humeur chez nous,
Jamais de fronts moroses,
Point de grincheux de « harguégnoux »,
On n'y voit point de poses.
Les propos y sont toujours gais,
Et si l'on blague, on est blagué,
O gué !
XVI
Tâchez de faire un point, surtout,
Et que chacun y veille,
Ou bien il faut, non sans dégoût.
« Biger le... cul d'la vieille ».
Oui, vous devrez, rageant au fond,
Dévorer, la rougeur au front,
L'affront !
XVII
C'est le moment de boire un coup,
Débouchons les bouteilles ;
Rinçons-nous la dalle du cou
De la liqueur vermeille.
Sonne, joyeux, au bruit d' Técot ;
Et les gros sous du « Subrécot
Echo !
Je ne puis ici noter la musique, mais les indications suivantes suffiront sans doute.
Voici les notes, vers par vers : Six-huit ; si bémol.
Do, ré do ré mi, fa fa fa
Do, ré do ré mi, fa fa
Do, ré do ré mi, fa fa fa
Do, ré do ré mi, fa fa
Fa sol la, si ré do si, la
Do si la, sol si la sol, fa
Fa, fa
Fa sol la, si ré do si, la
Do si la, sol si la sol, fa,
Fa, fa.
N. — Les notes en italiques sont des noires; les autres sont des croches. Les virgules séparent les mesures.
A.-.T. Verrier.