Un brin de poésie

Sonnet

Par le bourg qui somnole – un dimanche d’été,
Autour du clocher gris, coiffé d’ardoise fine,
Le vieux joueur fidèle à la « boule angevine »,
S’achemine à pas lents, vers la « Société ».

Et le doux ciel d’Anjou blute sa volupté
Sur le vin qui mûrit au flanc de la colline ;
Entre les peupliers, la Maine se devine
Comme un pâle ruban sur les prés verts jeté…

Et le vieux retirant sa veste des dimanches,
Et sur des bras hâlés retroussant ses deux manches,
Prend sa « boule de fort » en buis cerclé de fer.

Lentement il la joue, et, sa pipe à la bouche,
Suit la courbe savante au sable rose et clair,
Tandis qu’elle s’en va droit au « maître » et s’y couche.


De Emile Joulain. Recueil Rimiaux, 1974.

<[…]
Mon pauv’gâs, t’es trop court :
T’iras point au Concours !
Té arrière, t’es trop long :
T’es parti pour Brion !
En v’la y’ein, pus adrét’
Qu’est drét’ vis-à-vis l’maît’,
Et tout l’monde cri’ ben haut : »
Viv’le gangnant ! bravo ! bravo !
[…]

Petit abécédaire

Bauge : tiges de métal de différentes tailles permettant de mesurer la distance entre le maître et les boules en cas de doute lors de l’attribution des points.

Bauger : mesurer la distance entre le maître et deux ou plusieurs boules.

Camper : se placer pour jouer, non pas vers le centre de la piste, mais vers la gauche ou la droite.

Cormier : bois très dur qui était utilisé pour la fabrication des boules de fort.

Couvreur : joueur qui joue le premier dans son équipe. Syn. : rouleur, devancier.

Dérouille-boule : appareil permettant d’enlever les traces de rouille afin de garder ses boules toujours brillantes. Syn. Poli-boules.

Faire un bouc : à la boule de fort, faire coller sa boule contre le maître. Syn. : Arriver mort au maître, faire bibi gouline, faire un collant.

Fanny : (de l’anglais « fanny », « cul, fesses ». A la fin d’une partie, si les perdants n’ont pas marqué de points, ils se devaient de respecter la coutume qui consistait à « biser le cul de Fanny », représentation coquine d’une femme dévoilant ses fesses. Dans certaines sociétés, une cloche sonnait pour que chacun sache que des maladroits avaient perdu. Vue d’un mauvais œil par le clergé, Fanny a été cachée derrière un rideau. Elle était la seule femme autorisée au jeu de boule. On dit aussi « aller à Brion ».

Fort : côté le plus bombé et le plus lourd d’une boule de fort.

Fort en dedans : façon de tenir sa boule, le fort étant vers l’intérieur du jeu. Syn. : Fort bas.

Fort en dehors : façon de tenir sa boule, le fort étant vers l’extérieur du jeu. Syn. : Fort haut.

Maître : boule qu’on lance ou qu’on place le premier pour servir de but. (équivalent du cochonnet à la pétanque).

Malonner : (patois angevin) à la boule de fort, osciller en parlant de la boule arrivant en fin de course.

Rimiaux : poème ou conte rimé en parler angevin.

Rouleur : à la boule de fort, joueur qui joue le premier dans son équipe. Syn. : couvreur, devancier

Tireur : celui qui tire, c'est-à-dire qui lance sa boule en direction de celle de l’adversaire afin de la chasser.